Derniers entretiens
Propos recueillis d’avril à septembre 1897
le 1er mai
Ce n’est pas “la mort “qui viendra me chercher, c’est le bon Dieu. La mort, ce n’est pas le fantôme, un spectre horrible comme on la représente sur les images. Il est dit dans le catéchisme que « la mort, c’est la séparation de l’âme et du corps », ce n’est que cela !
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 7 mai
Je tousse ! Je tousse ! Ça fait comme la locomotive d’un chemin de fer quand elle arrive à la gare. J’arrive aussi à une gare, c’est celle du Ciel et je l’annonce !
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 20 mai
Je lui montrais sa photographie…
Oui, mais… c’est l’enveloppe ; quand est-ce qu’on verra la lettre ?
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
du 21 au 26 mai
Je vais bientôt mourir ; mais quand ?… Cela ne vient pas ! Je suis comme un petit enfant à qui l’on promet un gâteau : on le lui montre ; puis quand il s’approche pour le prendre, la main se retire…
Mais au fond, je suis bien abandonnée pour vivre, pour mourir, pour guérir…
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
Après ma mort, il ne faudra pas m’entourer de couronnes de fleurs comme Mère Geneviève. Aux personnes qui voudraient en donner, vous direz que je préfère qu’elles mettent cet argent-là à racheter des petits nègres.
C’est cela qui me ferait plaisir.
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
J’étais dans ces réflexions quand votre petit mot m’est arrivé. Vous me disiez que tout en moi vous plaisait : que j’étais chérie particulièrement du bon Dieu, qu’il ne m’avait pas fait monter comme les autres, le rude escalier de la perfection, mais qu’il m’avait mis dans un ascenseur pour que je sois plus vite rendue à lui !
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 27 mai
A propos de sa mort…
Je suis comme une personne qui ayant un billet de loterie, court la chance de gagner plus qu’une autre qui n’en aurait pas ; mais pourtant elle n’est pas sûre encore d’avoir un lot.
Enfin, j’ai un billet, c’est ma maladie… et je puis garder bon espoir.
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 29 mai
…Eh bien, il me semble qu’aujourd’hui, les petits anges m’appellent, et moi je vous dis comme la petite fille : « laissez-moi donc partir, y veulent de moi ! »
Je ne les entends pas, mais je les sens.
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 4 juin
- Ne vous étonnez pas si je ne vous apparais pas après ma mort et si vous ne voyez aucune chose extraordinaire comme signe de mon bonheur…
- Les Anges viendront vous chercher dit Sœur Geneviève. Oh ! pourtant que nous voudrions les voir !
- Je ne crois pas que vous les verrez, mais çà ne les empêchera pas d’être là…
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 6 juin
Monsieur Youf m’a dit encore : « Etes-vous résignée à mourir ? » Je lui ai répondu : « Ah ! mon Père, je trouve qu’il n’y a besoin de résignation que pour vivre. Pour mourir, c’est de la joie que j’éprouve. »
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 6 juillet
Elle venait de cracher du sang. Je lui dis : vous allez donc nous quitter ?
- Mais non ! Monsieur l’abbé m’a dit : « Vous aurez un grand sacrifice à faire en quittant vos sœurs… » Je lui ai répondu : « Mais, mon Père, je trouve que je ne les quitterai pas ; au contraire, je serai encore plus près d’elles après ma mort. »
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 7 juillet
- Avez-vous peur de la mort, maintenant que vous la voyez de si près ?
- Ah ! de moins en moins…
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 10 juillet
On parlait de la mort et des contractions qui se produisent souvent à ce moment-là sur le visage. Elle reprit : « Si ça arrive, ne vous attristez pas car aussitôt après, je ne ferai plus que des sourires. »
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 28 juillet
C’est dur de tant souffrir, cela doit vous empêcher toute pensée ?
- Non, cela me laisse encore dire au bon Dieu que je l’aime ; je trouve que c’est suffisant.
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 1er août
- …je suis abandonnée !
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 5 août
« C’est donc atroce, ce que vous souffrez ? » dit notre Mère
- Non, ma Mère, pas atroce, mais beaucoup, beaucoup… juste ce que je peux supporter.
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
le 30 septembre
Je ne crois plus à la mort… je ne crois plus qu’à la souffrance…
Thérèse de l’Enfant Jésus
Lisieux
A un moment, elle semblait avoir la bouche si desséchée que sœur Geneviève, pensant la soulager, lui mit sur les lèvres, un petit morceau de glace. Elle l’accepta en lui faisant un sourire que je n’oublierai jamais. C’était comme un suprême adieu.
A 6 heures, quand l’Angélus sonna, elle regarda longuement la statue de la Sainte Vierge.
Pendant ce temps si plein d'angoisse pour nous, on entendait par la fenêtre -et j'en souffrais beaucoup- tout un ramage de rouges-gorges et d'autres petits oiseaux, mais si fort, si près et si longtemps !…
Je priais le bon Dieu de les faire taire : ce concert me perçait le cœur…
Enfin, à 7 heures et quelques minutes, elle soupira :
- Ma Mère ! N’est-ce pas encore l’agonie ?… Ne vais-je pas mourir ?…
Et regardant son crucifix :
- Oh ! je l’aime………………………………………
Mon Dieu… je vous aime !…………………………
Après avoir prononcé ces paroles, elle tomba doucement en arrière, la tête penchée à droite…
- « Ouvrez toutes les portes » disait-elle. Cette parole avait quelque chose de solennel et me fit penser qu’au Ciel, le bon Dieu la disait aussi à ses anges.
Son visage avait repris le teint de lys qu’il avait en pleine santé ; ses yeux étaient fixés en haut, brillants de paix et de joie. Elle faisait certains beaux mouvements de tête et elle rendit le dernier soupir.
Après sa mort, elle conserva un céleste sourire… et le crucifix très fort serré dans ses mains.
Thérèse fut inhumée le lundi 4 octobre 1897.