A la mort du corps, l'Esprit ne retrouve pas "le Ciel", lieu circonscrit de récompenses, il ne retrouve pas "le Purgatoire", lieu de purification, pas plus qu'il ne retrouve "l'Enfer" ou lieu de punitions éternelles.
Souvenons-nous que la notion de Purgatoire -du latin purgare : purger- dont je ne crois pas avoir trouvé mention dans l'Evangile, est purement catholique. Elle a apparu au sixième siècle sous l'influence de Grégoire 1er dit le Grand, et donna certainement naissance au commerce des Indulgences qui permettaient d'acquérir l'entrée du Ciel. Elle précisait que le Purgatoire était la demeure d'âmes chargées de péchés non irréparables qu'elles pouvaient rattraper et qu'elles devaient expier par la souffrance pour être dignes d'accéder au Paradis.
Saint Thomas pensait pourtant que certaines âmes, Dieu le permettant ainsi, se purifient en dehors de cet endroit et vont se promener çà et là sur la Terre pendant quelque temps.
Les Catholiques disent que les âmes qui souffrent en Purgatoire peuvent être soulagées par les prières de l'Eglise ; le Concile de Trente dans son décret sur le Purgatoire, définit en effet formellement :
« Qu'il y a un Purgatoire, et que les âmes qui y sont retenues sont soulagées par le suffrage des fidèles, et principalement par le sacrifice de la messe toujours accepté de Dieu. »
Ce dogme est-il une trouvaille ?
Il semble plus sûrement qu'il ait été emprunté à l'idée que les Égyptiens et les Grecs se faisaient de l'Enfer. En effet, pour les Anciens, c'était une sorte de pénitencier d'où les âmes sortaient après l'expiration de leur peine.
Virgile nous en fait au livre VI de l'Enéide une description complète. Le Purgatoire catholique ne serait donc en fait que le calque de cette narration :
« Cependant Enée voit un passage plein de charmes… et sur les rives d'un fleuve qui le borde, une immense multitude formée de peuples et de nations divers…
“Quel est” dit-il “ce fleuve et quels sont ces hommes si nombreux ?”
“Tu vois” répond Anchise “les âmes auxquelles le destin réserve d'autres corps. Depuis longtemps, ô mon fils, je désire t'instruire de ces vérités et te montrer la série de nos descendants qui sera prise parmi ceux qui déjà furent les habitants de la Terre. ”
“O mon père, faut-il croire que des âmes libérées reprennent des corps grossiers ? D'où provient le désir d'une vie douloureuse ?”
“Voici, ô mon fils… Arrêtés et alourdis par leurs enveloppes terrestres et périssables, les âmes humaines perdent le sentiment de leur céleste origine. Enfermées dans les ténèbres d'une obscure prison, elles ne songent pas à regarder au-dessus d'elles ; aussi, après le dernier souffle du corps, elles restent marquées de souillure invétérée que seuls les moyens énergiques sont capables d'effacer. Chacun souffre dans ses mânes et selon leur état. Tu vois les âmes qui ont fini d'errer, Dieu les appelle toutes aux bords du Léthé, afin que réellement oublieuses du passé, elles se préparent à revoir la Terre et commencent à vouloir retourner de nouveau dans des corps matériels. Avant que l'on soit reçu parmi les rares habitants des Champs-Elyséens, de longs jours doivent être écoulés, et il est nécessaire que le cycle des âges étant accompli, toute tache ait disparu laissant au souffle divin la pureté de sa substance.” »
L'Enfer, qui dérive du mot latin "infernus", est un endroit situé on ne sait où, les théologiens n'étant pas d'accord à ce sujet. La seule chose certaine pour eux, c'est que cet Enfer existe et qu'il est un lieu de tourment où les réprouvés sont punis éternellement après la mort, pour la faute d'un instant.
Toutes les religions ont fait une description plus ou moins fantastique de ce ténébreux séjour.
L'Enfer dont on retrouve mention dans les Evangiles -Luc, Matthieu ou dans l'Apocalypse- évoque des souffrances physiques insoutenables néanmoins proportionnées à l'importance des fautes, fresque aux images d'épouvante de démons persécutant des âmes qu'ils plongent dans des brasiers de souffre en ébullition et dans des étangs pestilentiels, qu'ils torturent à grand renfort d'instruments barbares et divers, immense fournaise allumée par la colère de Dieu.
Mais Purgatoire et Enfer sont-ils de l'autre côté de cette porte que nous devrons tous franchir un jour ?
Peines ou félicités éternelles !… Si cela était, où seraient la justice et la miséricorde de Dieu qui accepterait de laisser dans ces peines éternelles celui à qui aucune chance de se rattraper ne serait donnée ?…
Est-il plausible d'admettre que pour une faute non pardonnée, d'une durée limitée, Dieu inflige à ses créatures une punition éternelle en les précipitant pour toujours dans les gouffres infernaux ?
Que devons-nous penser de Dieu, le Père par excellence qui, en face d'une telle perspective, n'a pas hésité à créer l'Homme, en sachant à l'avance, qu'Il l'exposait indubitablement à la tentation ?
En réponse à ces questions, je voudrais citer quelques versets de grands prophètes de l'Ancien Testament :
« Je ne prends pas plaisir à la mort du méchant qui change de conduite pour avoir la Vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. » (Ezéchiel 33-11)
« Car le Seigneur ne rejette pas les Humains pour toujours. S'Il a affligé, Il prend pitié selon sa grande bonté. » (Lamentations de Jérémie 3-31.32)
« Ils en sortiront : ceux qui ont fait le bien ressuscitant pour la vie, ceux qui auront fait le mal ressuscitant pour la condamnation. » (Jean 5-29)
« Yahweh est tendresse et pitié, lent à la colère et riche en bonté. Elle n'est pas jusqu'à la fin, sa querelle ; elle n'est pas pour toujours, sa rancune ; Il ne nous traite pas selon nos fautes et ne nous châtie pas selon nos offenses. » (Psaumes 103-8.10)
En fait ces régions sont déjà de la Terre, elles se trouvent dans nos cœurs puisque c'est déjà dans cette vie que nous les habitons alternativement ou parfois simultanément. L'enfer fait rage au ras du sol ; le purgatoire est déjà de ce monde et aussi du Plan Spirituel, comme l'Enfer, car le véritable Enfer de l'Au-delà n'est-il pas celui que Saint Paul pensait être : l'éloignement de Dieu, ou, comme le disait Saint Augustin, l'exclusion du royaume de Dieu ?…
Au troisième siècle, Origène, précurseur de la pensée spirite moderne, explique que l'Enfer est dans l'âme des êtres désincarnés qui font le constat de leurs erreurs.
Le Spiritisme nous apprend que le Paradis est essentiellement le séjour des âmes qui, au terme d'une succession de vies de mondes en mondes, d'une succession d'épreuves, d'expiations, de progrès, ont atteint un niveau supérieur d'évolution et ne sont plus que conscience et clarté.
Le Paradis est la finalité de tout but, de toute élévation.