Lettre ouverte à Raphaël
Bonjour mon grand, on m’avait conseillé de t’écrire une lettre quand tu es parti mais le courage me manquait et les mots aussi.
Le dimanche 23.11.2004, tu passes à la maison avec ton amie et ton fils Bryan. Il y a ce jour là un très grand malaise en toi à tel point que tu n’arrives pas à rester parmi nous. Tu laisses ton amie et ton fils pour aller boire un verre avec ton copain.
Lors de ton retour vers la maison, ta sœur se fâche sur toi en te disant « Tu viens dire bonjour à maman et tu ne te montres pas. » Là tu lui a dis « je t’aime » ce que tu n’avais jamais fait.
Tu te diriges vers moi car tu vois que je pleure. En effet j’ai le cœur très lourd ce soir là. Tu me prends dans tes bras, c’est un geste que tu faisais pour la première fois. Tu me dis « maman si cela ne va pas tu m’appelles et je viendrais, tu entends maman où que je sois je viendrai si tu as besoin de moi »
Le lendemain a 21h50 tu as eu un accident de voiture. Je dors profondément quand tout d’un coup j’entends un bruit mais vaguement, d’autres suivent de plus en plus fort jusqu’au moment où je me rends compte qu’en fait c’est la police qui est là, à 0h45 pour venir m’annoncer que tu as eu un grave accident et que tu es à l’hôpital.
Là c’est plus fort que moi, je m’écroule en hurlant sur les escaliers et je tremble de la tête aux pieds. Je ne savais pas encore que ces tremblements épuiseraient mon corps pendant 13 jours. Je téléphone à ta sœur et nous partons vers l’hôpital où on me donne un aperçu de l’ensemble de ton état et des conditions de l’accident. Ce fût la nuit la plus longue de toute ma vie.
Arrivée 9 heures plus tard à mon travail, je me suis écroulée en disant cette fois je l’ai perdu. Je savais que c’était fini, comme un éclair de lucidité. Oui mon grand, mon cœur de maman était déjà brisé, anéanti et le calvaire allait durer 13 jours. Tu as survécu pendant tout ce temps grâce aux machines et à ton jeune cœur. C’était très douloureux de te savoir ainsi aux mains du destin et des médecins. Te regarder t’en aller sans plus pouvoir faire quoi que ce soit. Impuissante devant cette lente fin de ta vie alors que je t’ai donné cette vie.
Je ne pouvais te remettre dans mon ventre pour te protéger, il fallait que je laisse faire et que je reste courageuse devant cette épreuve que je traversais seule avec ta sœur puisque Francis m’avait mise à la porte.
La nuit j’avais froid et peur. Je ne voulais pas te perdre et comme les jours s’accumulaient les uns aux autres l’espoir grandissait dans mon cœur. Mais j’avais peur, très peur de la suite. Mon corps tremblait, c’est la seule chose qui me faisait sentir que j’étais encore vivante.
Et un samedi à 12h45 je suis montée aux soins intensifs et j’ai rencontré ton amie enceinte de votre deuxième enfant, me demandant si j’avais eu le message ? Non je n’avais rien eu et elle m’a dit que tu étais décédé à 12h.
J’étais anéantie mon bébé était parti, je ne te verrais plus, je ne te toucherais plus, j’avais failli à mon rôle de parent. Je ne savais plus quoi penser. J’étais à moitié morte moi aussi. Et pourtant il y avait encore des formalités à faire. Mon corps, ma tête tout explosait dans une douleur sans nom. Je me suis transformée en zombi. J’étais devenue un automate.
On approchait de la saint Nicolas des fêtes de fin d’année. Les gens tout contents faisaient leurs achats et moi je ne comprenais pas ce monde d’indifférence et je traînais ma douleur au fil de mes pas. Dans le magasin je voyais toutes ces choses que je t’achetaient, et plus jamais je ne te ferais plaisir avec. Je me tordais de douleur à chaque rayon.
Comment allais je supporter l’insupportable ? Comment allais je faire face à ce drame ? Je n’avais pas de réponse je ne savais même plus de combien d’enfants j’étais encore la maman. J’avais perdu Kévin et maintenant toi. Pourquoi ? J’ai eu trop de pourquoi sans réponses. Avais-je perdu mon statut de maman ? Je ne m’en sortais plus. Mon enfant n’était plus là.
Tu laissais un enfant de six mois derrière toi et un autre en route on a su quelques jours plus tard que ce serait une fille. La vie m’a aussi séparée de ces deux enfants. Cela n’a pas été facile pour moi mais dans mon chagrin j’avais l’impression que plus rien ne pouvait m’atteindre, j’étais anesthésiée au monde réel.
Pour tenir le coup j’ai vécu un jour à la fois en ne prenant pas plus de charge sur mes épaules que je ne me sentais capable de le faire. J’ai aussi dû apprendre à être capable d’avoir la sérénité d’accepter les choses que je ne pouvais changer, d’avoir le courage de changer ce que je pouvais changer et la sagesse d’en faire la différence.
J’ai fais pas mal de mauvais choix depuis le jour du drame, mais au moins j’ai commencé à grandir. J’ai aussi refusé que tu sois mort pour rien et c’est ainsi que mes recherches ont commencées. J’ai alors trouvé des portes que je n’ai pas hésitée à ouvrir. Il y a eu des aides, et je m’en suis servie comme de béquilles.
Maintenant je sais que tu es juste invisible à mon œil, mais si proche de moi. Et grâce à Maryvonne Dray je sais que le 04.12.2004 est ta date de naissance dans le monde de lumière et je fêterai ce jour cette année en allant au marché de Noël. C’est dans cette ambiance feutrée de lumière, de couleurs, d’odeurs et de joie que je penserai à toi mon fils.
Toi qui est juste de l’autre côté du voile.
Tes trois bougies dans l'autre monde mon ange
Man qui t'aime beaucoup