Aujourd’hui, je ne porte plus la robe noire
signe extérieur de mon deuil
cette robe qui te disait : « Je vis un temps bien difficile, je suis davantage fragile, s’il te plaît, veille un peu sur moi. »
J’enterre parfois mes morts si hâtivement
que je me prive, en ma profonde tristesse,
de la présence d’amis, de frères, de sœurs, de chers parents.
Grande calamité, temps de déchirement
et pourtant…
Je m’arrache des bras qu’on m’ouvre
pour reprendre vitement mon boulot, fuir ma douleur,
cacher ce grand trou dans ma poitrine,
ce vide qui me gêne
qui me fait peur.
Je ne prends pas le temps de me donner du temps.
Mon cri funèbre est retenu, mon angoisse étouffée.
Je refuse l’occasion d’un silence, la durée d’un « Adieu ».
Pourtant vulnérable en cette secousse pénible,
je me bouscule !
Pourquoi ?
Je me réclame de ma peine de façon individuelle
je ne sais plus invoquer Dieu ?
Le rite est devenue langue morte,
le silence me fait peur
mes relations sont superficielles ?
Ma course quotidienne trop accélérée
je ne peux plus m’arrêter ?
Je ne sais pas…
Mais je sais que la peine chassée
revient en sourdine, exige d’être mienne,
persiste à cogner, cherche l’accueil,
s’installe au seuil de mon être
et menace mon cœur fermé.
Je peux bien me doser de médicaments, ravaler…
ignorer cette visiteuse, la nier…
elle restera là et j’aurai un jour à l’apprivoiser,
je devrai apprendre à la connaître…
elle fait partie de moi, ma peine
elle a besoin de moi.
Vivre mon deuil, c’est peut-être me reposer… prier… dormir… communier… parler…
Entrer dans ce lieu secret en moi
et faire place à celui qui m’a quittée, à celle qui s’en est allée.
Intérioriser mes bien-aimés, les porter, les continuer, les faire grandir et vivre encore, en moi…
leur offrir une autre saison fleurie ou le temps d’une moisson.
La société qui m’entoure, frénétique, informatique, automatique
m’invite à passer outre…
La mort ? Tourne le dos ! c’est inutile… futile… perte d’énergie, de temps…
Le deuil est gênant.
Reprends vite ton salaire !
Souris, allez souris…
Un jour ou deux de larmes… ça suffit !
Prends-toi en main ! Tourne la page !
Un jour ou deux de congé… et puis allez, c’est fini !
Je pense à Marie, la Mère de Jésus,
Celle, qui, entourée des disciples de son Fils…
a pris le deuil, a partagé sa souffrance.
Marie, ma Mère, qui dans la nuit de ma Vie,
m’accompagne dans l’Espérance…
vers la Lumière d’une Pentecôte toujours actuelle
sur le chemin de la félicité éternelle.
Choisir de vivre mes chagrins en Église
…c’est m’accorder un soutien bien précieux.
Pourquoi marcher seule ?
Si j’ose vivre pleinement mon deuil
j’apprendrai peut-être à vivre pleinement ?
Ainsi, lorsque sonnera mon heure
j’aurai appris à mieux mourir,
à dire À DIEU dignement !